L’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie annonce un programme alléchant lyrique et symphonique, mais aussi des difficultés récurrentes. Calculs, atouts, enjeux.


 

300 levers de rideau, ce n’est pas rien, l’OONMO s’y prépare avec optimisme pour sa prochaine saison ! La précédente 2023-2024 a été en péril, a vécu des sacrifices, notamment dans le domaine lyrique. Impossible d’investir 800 000 € dans une création… Juste avant le concert du 31 mai le représentant des musiciens, Ludovic Nicot, est intervenu sur scène pour rappeler les difficultés que rencontre la culture actuellement et alerter le public sur la situation de l’orchestre de Montpellier, mais il a aussi salué le soutien indéfectible de la Métropole.

 

Difficultés financières historiques et nouvelles

Lors de la présentation de la saison le 5 juin, le président Bernard Serrou a envisagé une amélioration financière et stratégique, soulignant avant tout la qualité de l’équipe, sa pérennité et la cohésion voulue par Valérie Chevalier qui dirige depuis dix ans. Strasbourg, Lyon, Bordeaux, Lille, Rouen connaissent de pires difficultés.

Des désaccords parfaits, l’OONMO en a déjà connus, des situations de détresse, notamment en 2014, lorsque le Département et la Région ont baissé les bras (et les subventions), après les départs si « coûteux » de René Koering en 2010 et de Jean-Paul Scarpitta en 2013. Aujourd’hui il n’y a plus le président Didier Deschamps pour faire des miracles comme en 2018, et l’inquiétude a été grandissante cette saison, suite au rapport de Laurent Bayle, demandé par le maire de Montpellier Michaël Delafosse, en octobre. L’alerte du commissaire aux comptes a été un nouveau choc, tout comme la démission de Bernard Travier (ex-vice-président à la Culture de la Métropole), qui a quitté le Conseil d’Administration en février dernier.

 

Solutions d’urgence : appel au mécénat et augmentation des tarifs

L’horizon doit s’éclaircir. La Métropole, c’est 13 M d’euros (62 % du budget), et Éric Penso, vice-président à la Culture, a confirmé que l’apport de la ville de 500 000 € serait pérennisé. Le Département a fait son « retour », la Région reste stable, l’État investit 40 000 €… Restent à résoudre des questions pendantes : le coût élevé du loyer du Corum et un déficit de plus d’1 M d’euros, où le mécénat n’a pu apporter que près de 400 000 €. Après le Club Berlioz fondé en 2018, le Cercle des Mécènes s’est réuni à l’Opéra en février, avec Roselyne Bachelot ! On compte sur lui, et Bernard Serrou abat son jeu : le nouveau projet « 1 000 entreprises, 1 000 € » permettrait d’atteindre la somme qui comblerait le déficit, et les mécènes, notamment Altémed1, sont sollicités.

Bernard Travier avait insisté sur la lourdeur des charges, alors que les tarifs de Montpellier ont toujours été particulièrement attractifs par rapport aux autres structures. Valérie Chevalier vient d’annoncer un changement important. La décision a été prise d’une augmentation des tarifs pour un « carré » de places privilégié, un espace « Passion », où le prix des places est augmenté de 25 %. C’est une première, qui propose « une meilleure expérience acoustique et visuelle » et « un achat solidaire ». Restent tout de même les avantages Moon Pass, Yoot, Pass Culture, les tarifs réduits et le Dernière Heure à 10 €.

 

Une « concorde » urbaine et artistique, ici et ailleurs

Le maire de Montpellier donne un nouveau sens au « côté cour et côté jardin » : ainsi le kiosque Bosc et sa fontaine — « Patrimoine du XXe siècle » — seront rénovés et ouverts à des concerts le dimanche à 17 h. Et une série de concerts en plein air « À jardin et à cour » propose des balades dans les parcs de Montpellier. Pour viser plus loin, il s’agit pour l’orchestre de finaliser aussi son partenariat avec Toulouse, lié à l’importance des 44 concerts en Région, qui convoquent 12 500 personnes, et de développer des projets avec Radio France, notamment concernant le Festival qui pourrait prendre une position européenne dans les années à venir. Du côté des coproductions, le lyrique réunit Toulon, Lausanne, l’Opéra Comique, et « Le Voyage dans la lune » d’Offenbach est planétaire : il réunit aussi Génération Opéra, Avignon, Clermont, Compiègne, Limoges, Marseille, Massy, Metz, Nancy, Nice, Reims, Rouen, Toulon, Tours, Vichy, Avant-Scène Opéra/Neuchâtel, et le Palazzetto Bru Zane (Centre de musique romantique française).

 

L’OONMO en tête sur Instagram et champion de jeux vidéos

L’OONMO ne manque pas de fans. Et ce n’est pas si classique, comme le rappelle la directrice Valérie Chevalier. Ateliers pour enfants, activités dans les Ehpads, mais aussi jeux vidéos conçus avec ARTFX, dont il est le premier opéra producteur en France, podcast plein de surprises « L’Opéra en immersion »…  On poursuit l’expérience des gilets vibrants2 et des spectacles chansignés3 pour les déficients auditifs avec un dispositif « Culture Relax » destiné aux handicaps comportementaux. Inutile de rappeler la queue impressionnante des étudiants désireux d’assister aux concerts, qui s’allonge du parvis de l’opéra jusqu’à l’Esplanade.

Mais un des atouts de la maison lyrique ce sont les réseaux sociaux, et sur Instagram l’Orchestre Opéra de Montpellier triomphe, premier pour le nombre d’abonnés parmi les orchestres de région. Leur nombre est passé de 4 000 à 10 000 et cette progression le classe deuxième national, quatrième après Lyon, Bordeaux et Lille. Il s’agit bien sûr majoritairement de jeunes abonnés, notamment des étudiants, mais les 45-54 ans sont très présents. De même les programmations de vidéos sur TikTok, les publications sur Facebook — près de 300 cette année — ont un public fidèle. Depuis 8 ans, la responsable du numérique, Audrey Brahimi, travaille au quotidien à cette « stratégie », parlant des créations, des images insolites ; c’est un choix développé par Valérie Chevalier, remarquée sur Twitter dès son arrivée en 2013.

Il n’y a plus qu’à parier que la « maison éminemment sonore », qui a lutté vaillamment pour se faire entendre pendant les années Covid, va continuer d’attirer un public aussi nombreux que divers, et que le soutien des mécènes va aussi se faire entendre sur les réseaux, comme un accord parfait ou un appel du destin comme l’invoque le jeune chef « montpelliérain » Roderick Cox : « La musique appartient à tous ! Elle nous enseigne ce que signifie être humain et enrichit notre vie ».

Michèle Fizaine

 

Programmes, tarifs, abonnements sur opera-orchestre-montpellier.fr et au 04 67 60 19 99

Lire aussi : Nouvelle saison, l’Opéra Orchestre de Montpellier donne de la voix !

Photo. Enjeu lyrique, « La Force du Destin » de Verdi, coproduction avec Parme et Toulon, ouvre la saison, dirigée par Roderick Cox. crédit. Roberto Ricci

 

 

Notes:

  1. Premier groupe public aux trois métiers d’aménageur, bailleur et énergéticien, Altémed, détenu par Montpellier Méditerranée Métropole, est l’entité issue de la fusion entre l’office HLM métropolitain ACM HABITAT (bailleur social), de la Société d’Équipement de la région de Montpellier (SERM) et de la Société d’Aménagement de Montpellier Méditerranée Métropole (SA3M).
  2. SubPac ou système audio tactile qui traduisent la musique en vibrations à destination des sourds et malentendants.
  3. chansons interprétées en langue des signes.
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J’ai enseigné pendant 44 ans, agrégée de Lettres Classiques, privilégiant la pédagogie du projet et l’évaluation formative. Je poursuis toujours ma démarche dans des ateliers d’alphabétisation (FLE). C’est mon sujet de thèse « Victor Hugo et L’Evénement : journalisme et littérature » (1994) qui m’a conduite à écrire dans La Marseillaise dès 1985 (tous sujets), puis à Midi Libre de 1993 à 2023 (Culture). J’ai aussi publié dans des actes de colloques, participé à l’édition des œuvres complètes de Victor Hugo en 1985 pour le tome « Politique » (Bouquins, Robert Laffont), ensuite dans des revues régionales, et pour une série de France 2 en 2017. Après des études classiques de piano et de chant, j’ai fait partie d’ensembles de musique baroque et médiévale, formée aux musiques trad occitanes et catalanes, au hautbois languedocien, au répertoire de joutes, au rap sétois. Mes passions et convictions me dirigent donc vers le domaine culturel et les questions sociales.