La Marée Humaine de Natalia Kouznetsova est une performance itinérante en espace public. Elle aborde frontalement la guerre – la guerre en Ukraine mais aussi toutes les autres guerres ayant cours ou ayant eu cours dans le monde –, la symbolique de la guerre.


 

Les performeurs, allongés sur le sol, chacun recouvert d’une couverture de survie, se lèvent par petits groupes pour gravir les marches du Corum1. Ils interrompent leur progression pour s’allonger à nouveau sur le sol, sans sembler prêter attention au froid de l’hiver, s’abritant sous la couverture qui réfléchit les lumières artificielles de la ville. Les corps se déplacent lentement, pris dans un mouvement qui nous échappe. Ils sont accompagnés par une musique où se détachent les battements d’une horloge ou d’un pendule, évoquant le temps qui passe comme un compte à rebours entrecoupés par des sons qui peuvent rappeler des sirènes, nous ramenant aux alertes aux bombardements qui résonnent actuellement dans les villes ukrainiennes.

La couverture de survie est l’abri infime qui sépare un corps en danger d’un extérieur menaçant ; la couverture de survie, comme l’indique son nom, protège en cas de danger de mort imminente. La couverture de survie peut en dernier lieu recouvrir un cadavre. Le groupe de performeurs et composé de personnes d’âges différents – soulignant que la guerre affecte, bien que de manières différentes, toutes les couches d’une société. Le mouvement des performeurs s’accélère vers la fin de la performance : les corps se rassemblent contre un mur et se plaquent les uns contre les autres. Ce mouvement évoque la peur ; on pense à des corps entassés les uns contre les autres pour échapper à une menace.


Une fois toutes les marches gravies, la musique est remplacée par l’enregistrement d’un texte lu, d’abord en français, puis dans différentes langues, notamment en ukrainien et en russe. Ce texte reprojette la guerre est ses conséquences sur l’humanité entière : « Je suis diminué à chaque fois qu’un être humain est assassiné quelque part dans le monde parce que j’appartiens au genre humain. » Ce texte permet d’éclairer de manière extrêmement explicite l’ensemble de la performance ; une guerre, où qu’elle prenne place, rejaillit sur l’humanité entière et ne devrait pas être ignorée de qui que ce soit ; l’ignorance est un luxe qu’on ne peut pas se permettre. Des voix se mêlent et se superposent, répétant ce même texte dans différentes langues, soulignant une fois encore l’universalité de cette évidence : le privilège de n’être pas directement atteint par une guerre ne doit pas nous permettre d’ignorer la réalité des guerres qui se poursuivent, encore, chaque jour, si proches.

Oxanna Bertrand

Notes:

  1. Palais des congrès au centre ville de Montpellier.
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Oxanna est née en 1998 à Montpellier. Elle a fait ses études à la Villa Arson et à la faculté de lettres du Havre. Elle développe une pratique d’écriture créative et théorique. Les images occupent une place centrale dans son rapport au texte et à l’information.